L’invité – L’informatique doit rester un outil dédié à l’apprentissage – 24 heures

Ainsi le Grand Conseil a accordé sans grand débat 46 millions de francs pour acquérir le matériel informatique nécessaire au programme EduNum du Canton, comme son nom l’indique, dédié à l’éducation numérique. Trente mille iPad vont donc être achetés. Un chiffre à comparer avec les… douze premiers Mac mise à disposition de la première Commission informatique du Canton de Vaud; commission que j’ai eu l’honneur de présider de sa création en 1985 à 1990. Un temps où Apple n’était pas encore officiellement présent en Suisse!
Presque quarante ans plus tard, l’informatique s’est invitée dans de très nombreux aspects de notre vie quotidienne. Et son utilisation dans le cadre scolaire n’a plus rien à voir avec la découverte curieuse, heureuse ou inquiète de l’époque. Mais cela ne change rien au sentiment que j’éprouve actuellement: l’école dérape!
«J’ai l’impression que l’école cherche à former des gens seulement capables d’aller chercher de l’information.»
J’ai l’impression qu’elle cherche désormais à former des gens seulement capables d’aller chercher de l’information; alors que sa mission devrait normalement leur enseigner à apprendre par eux-mêmes. Comme l’explique Boris Cyrulnik dans son très recommandable ouvrage «Les laboureurs et les mangeurs de vent»*, nous sommes en train de renoncer à former des laboureurs. Au lieu de gens sachant s’exprimer et assumant ce qu’ils sont, sortent de plus en plus des écoles ces «mangeurs de vent» comme l’auteur les métaphorise si subtilement.
Lors de nos réflexions sur le rôle que devait jouer cette technologie naissante à l’école, nous étions arrivés à la conclusion que l’informatique devait être un outil permettant d’améliorer l’enseignement des disciplines standards. Nous ne le considérions pas comme une discipline aussi fondamentale que les maths, le français, voir l’allemand. Et nous avions donc réfléchi aux meilleures façons d’introduire l’informatique SANS bousculer le programme scolaire.
Nous avions établi une série de scénarios répertoriant les possibilités d’utiliser l’informatique dans les différentes disciplines, scénarios qui sont vraisemblablement et malheureusement passés à la poubelle lors de l’avènement de la Haute École pédagogique.
Regarder le passé
À la suite de cela nous avions convaincu Pierre Cevey, le conseiller d’État en charge de l’école, qu’il n’était pas judicieux d’investir tout l’argent dans les équipements et qu’il fallait aussi prévoir des moyens pour la formation des cadres. Une formation d’animateurs en informatique avait ainsi été mise en place et j’avais eu le plaisir de former la seconde volée en 1986-87.
Pas loin de deux cents spécialistes avaient ainsi été formés pour, ensuite pouvoir répondre aux éventuelles questions des enseignant(e)s. Un bulletin d’information leur était même dédié, dont il subsiste très certainement des exemplaires à quelque part dans les Archives cantonales. Mais pour remettre la main dessus, il faudrait avoir envie de regarder ce qui s’était fait par le passé, ce qui n’est visiblement pas la priorité actuelle des dirigeants cantonaux.
*Les laboureurs et les mangeurs de vent, Boris Cyrulnik, Éditions Odile Jacob, mars 2022, 259 pages.
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– L’informatique doit rester un outil dédié à l’apprentissage
Mathématicien, enseignant, mais surtout président de la première Commission informatique du Canton de Vaud, Daniel Amiguet estime que le Canton fait fausse route.
Daniel Amiguet