Trois médecins de Dordogne surveillés pour des prescription d’arrêts de travail trop importants – France Bleu

Nous avons 318 médecins libéraux installés en Dordogne, trois sont surveillés par la caisse primaire d’assurance maladie pour un nombre de prescriptions d’arrêts maladie “atypique” selon les termes de la CPAM. Depuis la fin de la crise Covid, le nombre d’arrêts maladie est en hausse en France de manière générale. Entre 2021 et 2022, le montant du coût des arrêts maladie a augmenté de 20% dans notre département, pour un total de 69 millions d’euros l’année dernière.
La tendance du nombre de journées d’arrêts maladie n’est pas connue en Dordogne, mais selon la directrice départementale de la CPAM elle est semblable au reste du pays, à savoir en hausse de 14% l’année dernière. “Notre volume de dépense d’indemnité journalière a progressé plus vite qu’au niveau national” analyse Delphine Camblanne “on peut supposer qu’on a des montants de salaire plus importants qui explique une augmentation du montant financier et on a certainement un taux de recours à l’arrêt de travail qui est plus important qu’avant la période Covid“.
Plus d’arrêts donc plus de contrôle de la CPAM
Une analyse qui est partagée par le président du conseil de l’ordre des médecins de Dordogne, Bruno Hammel : “Il y a eu des modifications dans la relation au travail que nous ressentons dans les cabinets médicaux. Il y a une majoration des anxiétés, des inquiétudes et un souhait de recentrer son existence différemment qui n’est pas forcément compatible avec le monde du travail“.
Une méthode dénoncée par l’Ordre des médecins
Cette augmentation du nombre d’arrêts entraine mécaniquement plus de contrôles. “À une certaine durée d’arrêt de travail, les assurés reçoivent un courrier, un appel ou une convocation de l’Assurance maladie pour faire un point sur la situation, toujours en relation avec la médecine du travail et en examinant le dossier médical. En fonction, l’arrêt de travail peut continuer ou s’arrêter” explique la présidente de la CPAM.
“Nous ne soignons pas des statistiques, nous soignons des patients”
En plus du contrôle des patients, les médecins sont, eux aussi, sont surveillés par la CPAM, “On est sur des conseils et de l’accompagnement auprès des prescripteurs d’arrêt de travail pour rappeler les bons niveaux de prescription d’arrêt de travail par pathologie (conseillés par la Haute autorité de santé) mais on mène aussi des opérations de contrôle et éventuellement de lutte contre la fraude quand il s’agit d’arrêts de travail abusif“. C’est dans le cadre de ces contrôles que trois médecins périgourdins se sont fait remonter les bretelles cette année. La méthode est dénoncée par l’Ordre des médecins : “le retour qui nous a été fait (au conseil de l’Ordre) c’est que la confraternité n’était pas forcément présente à l’occasion de ces contrôles, et ça, c’est important. Il faut être constructif plutôt que de chercher à être dans un système répressif”, défend Bruno Hammel. Selon la CPAM, un premier entretien est organisé avant un deuxième rendez-vous fixé six mois plus tard.
“Un écueil majeur”
“Le principe d’un jugement sur statistique n’est pas tolérable. Nous ne soignons pas des statistiques, nous soignons des patients” regrette le docteur Hammel. “Il y a un écueil majeur, c’est ce qu’on appelle l’indépendance professionnelle. Un médecin, lorsqu’il prescrit, que ce soit un médicament ou un arrêt de travail, il le fait en son âme et conscience. Il estime que c’est nécessaire et ne le fait pas sous influence de la sécurité sociale ou de quiconque” tout en reconnaissant que “les médecins sont responsables des dépenses. Il faut qu’ils prennent en compte les difficultés financières engendrées au niveau de l’État par des dépenses inconsidérées“.
“On les connait les patients répétitifs et ce serait l’occasion (pour la CPAM) de se mettre à côté du médecin en disant, vous voyez, vous avez ce patient qui revient toutes les trois semaines pour vous demander un arrêt de travail, si vous voulez, on va s’en occuper. Je vous garantis que tous les médecins seraient bien contents d’être épaulés dans cette configuration-là” souffle le docteur.
“Une mise au point nécéssaire”
“Tout ce qui nous importe, c’est que ces contrôles se fassent prioritairement sur le patient plutôt que sur une statistique sur le médecin et que si le médecin est contrôlé, ça se passe dans une ambiance plus constructive que destructrice. C’est une mise au point qui a été jugée nécessaire par le conseil de l’ordre vis à vie de la sécurité sociale pour que ces ententes restent confraternelles et pas à sens unique” poursuit le docteur Bruno Hammel. “Je ne vois pas l’intérêt de rentrer dans un système répressif et punitif dans une situation démographique médicale catastrophe en Dordogne. On a déjà du mal à installer des jeunes médecins en libéral, si en plus, il y a une épée de Damoclès qui plane au-dessus d’eux, c’est la fin“.