La FIDE met les femmes trans échec et mat – Gus and Co

🚫 Aux échecs, la FIDE met les femmes trans échec et mat ! Une décision controversée qui réactive le débat sur l’inclusion dans le sport.
Des femmes trans interdites de participer aux tournois internationaux d’échecs
Les échecs ont longtemps été dominés par les hommes, depuis les grands maîtres jusqu’aux échelons supérieurs des fédérations mondiales d’échecs. Cette domination masculine a alimenté des débats permanents sur les différences supposées entre les sexes en matière d’aptitudes innées aux échecs.
Rappelez-vous. Les femmes, « ce sont de terribles joueuses d’échecs… Je suppose qu’elles ne sont pas très intelligentes… Je ne pense pas qu’elles devraient se mêler d’affaires intellectuelles, ils devraient rester strictement à la maison. »
C’est ce que le célèbre joueur d’échecs Bobby Fisher dit dans une interview en 1963.
Ou plus récemment, en 2015, Nigel Short, alors vice-président de la Fédération internationale des échecs (FIDE), affirmait que « les hommes sont programmés pour être de meilleurs joueurs d’échecs que les femmes », ajoutant : « Il faut l’accepter avec grâce. Le grand maître des échecs anglais a poursuivi en expliquant qu’il était évident que les cerveaux des hommes et des femmes étaient différents, car il aide sa femme à sortir la voiture du garage et elle a plus d’intelligence émotionnelle que lui. »
Cependant, la récente décision de la FIDE basée à Lausanne en Suisse d’interdire aux femmes transgenres de participer aux compétitions officielles d’échecs féminins a suscité une vive controverse et de nouvelles accusations de sexisme et de transphobie.
« In the event that the gender was changed from a male to a female the player has no right to participate in official FIDE events for women until further FIDE’s decision is made. ».
Traduction : « Dans le cas où le sexe a été changé d’un homme à une femme, le joueur n’a pas le droit de droit de participer aux épreuves officielles de la FIDE pour femmes jusqu’à ce qu’une nouvelle décision de la FIDE soit prise.
C’est dans ce contexte qu’intervient la récente décision controversée de la FIDE d’interdire aux femmes transgenres de participer aux compétitions internationales d’échecs féminins.
Les nouvelles règles de la FIDE équivalent à une interdiction des femmes transgenres
Le 14 août 2023, la FIDE a approuvé de nouvelles règles qui interdisent effectivement aux femmes transgenres de participer aux tournois féminins parrainés par la FIDE. La politique exige des documents documents d’état civil de transition de genre pour changer le marqueur de genre officiel d’un joueur. Cependant, même avec une preuve de transition, les femmes transgenres sont exclues des compétitions féminines dans l’attente d’une vague « analyse plus approfondie » sur une période de deux ans. La FIDE n’a offert aucune garantie concrète d’inclusion à l’issue de cette période.
La FIDE a justifié ces règles en affirmant que le changement de sexe a un impact significatif sur le statut et l’éligibilité des joueurs. Toutefois, les critiques soulignent que l’accent mis sur la documentation sert principalement à restreindre, plutôt qu’à clarifier, la participation. Les critiques soutiennent que les règles ciblent injustement les femmes transgenres dans les divisions féminines sans justification suffisante.
Cette politique a suscité de vives réactions de la part des joueurs transgenres qui s’inquiètent de leur éligibilité aux tournois. Les compétitions potentiellement concernées vont des championnats nationaux aux tournois de clubs européens. Les règles obligent les filles et les femmes transgenres à « faire face à un terrible dilemme : transitionner ou abandonner les échecs », a déclaré Yosha Iglesias, joueuse de compétition.
Cette décision, effective à partir du 21 août, n’a pas manqué de susciter de vives critiques et accusations de la part des associations de défense des droits des personnes transgenres.
Les critiques dénoncent des règles discriminatoires et régressives
Le règlement de la Fédération mondiale des échecs a été largement condamné comme étant contraire à l’éthique et discriminatoire. Les défenseurs des droits des transgenres ont décrit cette décision comme une attaque régressive contre l’inclusion, qui renforce les notions dépassées d’essentialisme de genre.
Malcolm Pein, directeur des échecs internationaux pour la Fédération anglaise des échecs, a qualifié cette politique de « discriminatoire », affirmant que le sexe n’offre aucun avantage inhérent à la pratique du jeu d’échecs, selon l’AP. Les règles sont en contradiction avec le propre code de la FIDE, qui interdit toute discrimination fondée sur l’identité sexuelle.
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Nombreux sont ceux qui voient dans ces règles une excuse à peine voilée pour exclure les femmes transgenres des espaces réservés aux femmes, sans tenir compte des faits. Dans un article paru deux jours après la décision de la FIDE, la joueuse transgenre Ana Valens a rejeté l’idée que les femmes transgenres ont une dominance inhérente aux échecs, arguant que sa vie avant la transition ne lui avait pas donné de compétences particulières. Ou sur X, certaines joueuses concernées par cette décision ont également réagi. Yosha Iglesias s’est inquiétée de sa participation aux prochaines compétitions : « Quelqu’un peut-il me dire ce qui est considéré comme un événement officiel de la FIDE ? Serai-je autorisée à jouer le Championnat de France dans 3 jours ? La Coupe d’Europe des clubs en septembre ? »
Cette politique reflète des débats plus larges sur les avantages athlétiques perçus par les personnes transgenres. Mais son application aux échecs, considérés comme un sport intellectuel, semble particulièrement discutable aux yeux des critiques. S’il n’y a pas de différences physiques entre les sexes, les interdictions n’ont pas de justification suffisante au-delà de l’exclusion transphobe.
Au-delà des questions d’égalité, cette polémique réactive le débat autour de l’existence supposée de différences intrinsèques d’aptitudes aux échecs entre hommes et femmes.
Arguments sur les échecs et l’essentialisme de genre
Depuis des décennies, les élites masculines du jeu d’échecs, telles que Bobby Fischer et Nigel Short, voir plus haut, affirment que les femmes sont intrinsèquement inférieures aux joueurs d’échecs, car elles n’ont pas l’intelligence nécessaire par rapport aux hommes.
La FIDE est aujourd’hui accusée d’endosser des points de vue biologiquement essentialistes similaires. L’essentialisme de genre est une croyance selon laquelle il existe des différences inhérentes et immuables entre les sexes. Selon cette perspective, les hommes et les femmes ont des caractéristiques essentielles qui sont biologiquement déterminées et qui définissent leur comportement, leurs rôles et leurs capacités.
L’essentialisme de genre est une manière de penser les différences entre les sexes qui met l’accent sur les caractéristiques biologiques supposées immuables, plutôt que sur les influences sociales et culturelles qui peuvent façonner ces différences.
Non, il n’y a pas de consensus scientifique sur la supériorité innée des hommes aux échecs. Les différences apparentes entre les sexes sont probablement dues à des facteurs systémiques dissuasifs et à des préjugés qui éloignent les filles et les femmes des échecs, et non à des cerveaux défectueux.
Les règles invoquent des tropes sexistes selon lesquels les cerveaux des femmes sont… intrinsèquement incapables d’accomplir des tâches cognitives complexes (six !). Le véritable progrès consiste à démanteler les stéréotypes et à attirer davantage de joueuses, et non à renforcer les barrières d’exclusion à l’encontre des femmes considérées comme inférieures.
Plutôt que de protéger les échecs des femmes cisgenres, les critiques affirment que l’interdiction des transgenres par la FIDE fait l’inverse : elle sape le statut et la participation des femmes au nom d’une pseudo-science et de craintes infondées. Elle ne sert qu’à apaiser les égos masculins et à servir de pion au patriarcat, concluent-ils.
Par ailleurs, la controverse soulève des questions complexes sur la pertinence même de catégories de compétition séparées entre hommes et femmes dans certains sports.
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Les complexités des catégories de compétition sexospécifiques
La controverse met en lumière les dilemmes complexes qui entourent les catégories de compétition différenciées selon le sexe. Les critiques soulignent que les échecs sont un jeu d’adresse pure, et non de prouesse physique, ce qui semble réfuter les arguments selon lesquels les femmes transgenres bénéficient d’avantages musculaires injustes.
Toutefois, l’intégration complète des tournois risque de décourager certains joueurs cisgenres dans un sport dominé par les hommes. Les divisions féminines offrent des opportunités, des encouragements et des modèles qui favorisent la participation des femmes. Mais la question de savoir où et comment fixer les limites de l’éligibilité reste très controversée.
Bien qu’elle soit peut-être bien intentionnée, la décision apparente de la FIDE de cibler les femmes transgenres a été dénoncée comme étant malavisée et non justifiée. Ses détracteurs affirment qu’elle associe l’identité de genre à un avantage biologique vague et non prouvé. Ses partisans rétorquent que les différences physiologiques entre les sexes, y compris celles liées à la puberté, peuvent justifier des restrictions de précaution. Mais il n’existe aucune preuve cohérente que les femmes transgenres dominent ou menacent l’intégrité du jeu d’échecs féminin à quelque niveau que ce soit.
Alors que la société évolue vers une plus grande intégration des personnes transgenres, le monde du sport se trouve à la croisée des chemins pour définir des politiques à la fois équitables et inclusives.
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Un avenir véritablement inclusif pour le sport ?
À mesure que les droits des transgenres se généralisent, les instances dirigeantes du sport continuent de s’efforcer d’élaborer des politiques équilibrées en termes d’équité, de sécurité et d’intégration. Mais l’interdiction de la FIDE, fondée sur des différences d’aptitude perçues entre les sexes plutôt que sur des faits, a peu de chances de sortir indemne.
Plutôt que de bloquer arbitrairement l’accès des transgenres aux catégories de compétition d’échecs, une politique véritablement progressiste se concentrerait sur des protections fondées sur des preuves, sur la diversité des genres et sur le démantèlement des stéréotypes dépassés qui faussent les perceptions.
Avec son interdiction, la FIDE semble prise au piège en essayant de réconcilier les structures de compétition actuelles, dont certaines sont basées sur des notions restrictives de genre, avec les réalités modernes de l’identité et des droits de l’homme. Mais empêcher les personnes transgenres de poursuivre leur passion, aux échecs ou dans tout autre domaine, ne sert les intérêts de personne à long terme. Une solution équitable consisterait à juger les concurrents uniquement sur leurs capacités, leur caractère et leur esprit, et non sur la base de suppositions et de préjugés.
Et pendant ce temps, en natation
Hasard des calendriers, deux jours après la décision de la FIDE d’interdire les femmes transgenres de participer aux tournois internationaux d’échecs, la World Aquatics, l’organe directeur international de la natation, a pris une mesure, innovante, ce 16 août 2023 en créant une catégorie ouverte pour les athlètes transgenres lors d’une épreuve de la Coupe du monde à Berlin, prévue du 6 au 8 octobre. Cette catégorie sera ouverte à « toutes les identités de sexe et de genre » et comprendra des courses de 50 m et de 100 m dans toutes les nages.
La décision n’a toutefois pas été prise sans controverse. Athlete Ally, un groupe de pression qui œuvre pour mettre fin à l’homophobie et à la transphobie dans le sport, a exprimé sa consternation face à cette décision, estimant qu’elle favorise l’aliénation des athlètes transgenres et qu’elle n’aborde pas d’autres questions urgentes telles que le harcèlement sexuel, l’égalité de rémunération et l’égalité des chances pour les athlètes féminines.
Le débat sur les femmes transgenres dans la natation a été sous les feux de la rampe, notamment avec le cas de Lia Thomas, la première athlète transgenre à remporter un titre de la division I de la NCAA. Alors que certains affirment que les femmes transgenres ont un avantage physique dans le sport, la science dominante ne soutient pas cette conclusion. Un rapport de 2017 n’a trouvé aucune recherche cohérente à l’appui de cette affirmation, et les critiques disent que de telles interdictions ajoutent à la discrimination à laquelle les personnes transgenres sont confrontées.
La création d’une catégorie ouverte pour les athlètes transgenres par World Aquatics est une avancée significative dans le monde du sport, reflétant une reconnaissance croissante du besoin d’inclusion et d’acceptation des diverses identités de genre. Elle soulève toutefois également des questions complexes sur l’équité, l’égalité et le risque d’une marginalisation accrue des athlètes transgenres. La décision représente un équilibre délicat entre l’acceptation de la diversité et la prise en compte des préoccupations et des droits des athlètes.
C’est une évolution qui devrait continuer à susciter des débats et des discussions, non seulement dans le monde de la natation, mais aussi dans le contexte plus large du sport et de la société. Et des échecs, aussi.
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Article écrit par Andariel, chroniqueuse et rôliste (JDR, GN) queer qui se consacre au jeux de rôle, aux jeux narratifs et aux sujets LGBTQ+. Elle s’implique pour valoriser la présence des personnes marginalisées dans l’industrie du jeu.
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