La justice russe dissout le Centre Sakharov, acteur historique des … – Les Échos

C’est un autre grand acteur des droits humains en Russie qui se voit muselé. Ce vendredi, le tribunal municipal de Moscou a ordonné la dissolution de l’association Centre Sakharov, un des derniers piliers de la défense des droits humains en Russie. Une décision prise en plein contexte de répression vis-à-vis des voix russes critiques de l’intervention militaire en Ukraine .
Dans un communiqué, le tribunal a affirmé que l’association, qui porte le nom du prix Nobel de la Paix soviétique Andreï Sakharov (1921-1989), avait illégalement organisé en Russie des événements en dehors de sa « zone d’activité » géographique prévue dans ses statuts. C’est au moins la troisième fois que les autorités utilisent récemment ce motif pour dissoudre une association aux opinions critiques.
Pression de plus en plus forte ces derniers mois
Au printemps dernier, le Centre Sakharov avait été contraint de quitter ses locaux historiques à Moscou. Pendant près de 30 ans, ce lieu, emblématique de la société civile russe, avait accueilli des centaines de débats, d’évènements culturels, et comportait un musée sur les crimes soviétiques. C’est là aussi que des milliers de personnes s’étaient recueillies, en 2015, devant le cercueil de l’opposant assassiné Boris Nemtsov.
En avril, le ministère russe de la Justice avait lancé une « vérification » de l’association du Centre Sakharov, désignée depuis 2014 « agent de l’étranger », un statut infamant. C’est cette procédure qui a abouti à sa dissolution. Le directeur du Centre Sakharov, Sergueï Loukachevski, en exil en Allemagne, avait alors assuré à l’AFP qu’en cas de dissolution l’ONG se reconstituerait en Russie sous la forme d’un « collectif ».
D’autres grandes associations dissoutes
En parallèle de son offensive en Ukraine, le pouvoir russe utilise un arsenal législatif de plus en plus flexible pour punir ou interdire toute personnalité ou association jugée hostile au Kremlin. Précédemment, fin 2021, la justice russe a également dissous Mémorial , pilier de la lutte pour les droits humains et la mémoire des victimes des répressions soviétiques, alors que le Kremlin cherche à promouvoir une image positive de l’URSS.
En janvier de cette année, pour le même motif que le Centre Sakharov, le tribunal municipal de Moscou avait dissous le Groupe Helsinki de Moscou, la plus ancienne ONG de défense des droits humains en Russie. En avril, ce fut au tour du Centre Sova, spécialisé dans l’étude du racisme et de la xénophobie, de subir le même sort.
Opposants politiques et médias indépendants subissent le même sort
Plusieurs personnalités et médias indépendants russes subissent également la répression des autorités russes. Principal opposant politique de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny purge actuellement une peine de 19 ans prison pour « extrémisme ». Un procès jugé illégitime par ses avocats.
Dernier journal indépendant du pays, en septembre dernier, le quotidien « Novaïa Gazeta » s’est vu annuler sa licence de diffusion papier, interdisant de facto toutes ses activités sur le territoire russe. Dans la même veine, « Echo de Moscou », principale radio libre du pays, a été fermée au lendemain du lancement de la guerre en Ukraine.
Selon « France info », le kremlin souhaiterait même se réapproprier le nom de la radio, via la chaîne de télévision d’Etat « Russia Today ». Une démarche fermement condamnée par l’ancien rédacteur en chef de la radio.
Sourde aux mises en garde de la communauté internationale
Cette situation de plus en plus répressive en Russie est régulièrement dénoncée par les ONG et instances internationales, sans réels effets positifs. En juin de l’année dernière, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la loi russe sur les « agents de l’étranger » contrevenait au droit à la liberté d’association.
Quelques mois auparavant en avril, l’Assemblée générale des Nations unies a voté la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La même instance a créé en octobre un poste de rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie.
Ignorant ces différents appels de la communauté internationale, la Russie s’est retirée en mars 2022 du Conseil de l’Europe et a adopté une loi permettant aux autorités russes d’ignorer les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
Avec AFP