Le vélodrome de Bromont pourrait accueillir des compétitions de … – Le Devoir

Qu’on s’en serve pour les déplacements, la détente ou le sport, qu’il soit propulsé par un moteur électrique ou par nos bons vieux quadriceps — ou les deux —, le vélo fait de plus en plus d’adeptes et occupe de plus en plus de place sur nos routes, au grand plaisir des uns ou au déplaisir des autres. Aujourd’hui : les vélodromes. Par Jean-François Nadeau.
Le monde du cyclisme est en joie au Québec. Pensez : Montréal va accueillir, en 2026, les Championnats du monde. Ce n’était pas arrivé depuis… 1974 ! Cette année-là, au pied du mont Royal, sur l’avenue qui borde l’Université de Montréal, le plus grand champion cycliste de tous les temps, Eddy Merckx, s’était imposé au sprint. À l’époque, un vélodrome avait été érigé dans la cour arrière de l’université. Toutes les compétitions sur piste se déroulèrent sur cette piste temporaire puisque le vélodrome du Parc olympique n’était pas encore terminé.
« En 2026, il n’y aura pas de compétition sur piste à ces championnats du monde », explique Louis Barbeau, le directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes. Les compétitions sur route et sur piste appartiennent désormais à deux calendriers différents, à l’heure des grandes compétitions internationales. Cependant, Louis Barbeau ne cache pas sa volonté de voir le Québec accueillir aussi sous peu de grands événements internationaux de cyclisme sur piste, grâce à l’ouverture du nouveau vélodrome couvert à Bromont.
Trois décennies après la destruction du vélodrome des Olympiques de 1976, le Québec compte de nouveau, depuis un peu moins d’un an, sur un vélodrome intérieur de calibre international. Construit à Bromont, sur le site du Centre national de cyclisme, ce vélodrome a coûté 22 millions. « La piste de 250 mètres est pareille aux plus grands vélodromes du monde. Les gradins sont moins importants. Ce qui nous empêcherait de tenir de très grands événements internationaux. Mais il y a de la place pour beaucoup d’autres événements… »
Des milliers de visites
Après presque un an d’activité, la nouvelle installation sportive connaît un grand succès. Rouler avec une fine mécanique, monter sur un de ces vélos sans freins, en prise directe avec la roue arrière, a quelque chose d’enlevant, de grisant. Mais ne se lance pas à vive allure qui veut sur une piste de bois. Il faut, au préalable, acquérir une formation particulière. « C’est sûr que ça peut être impressionnant, pour commencer, une inclinaison de 42 degrés ! Plus de 5000 personnes ont suivi la formation de base pour rouler au vélodrome de Bromont », explique Nicolas Legault, le directeur du Centre national de cyclisme de Bromont (CNCB). « En un an, nous aurons eu 150 000 visites sur le site. Beaucoup de gens ont acheté des abonnements de saison. Après la formation de base, 99 % des gens qui montent sur la piste ont un énorme sourire au milieu du visage ! »
La piste de 250 mètres est pareille aux plus grands vélodromes du monde. Les gradins sont moins importants. Ce qui nous empêcherait de tenir de très grands événements internationaux. Mais il y a de la place pour beaucoup d’autres événements…
Tous les ordres de gouvernement ont investi des millions dans cette installation rehaussée en son centre de plateaux multisports, en plus d’une piste de course à pied. Même la municipalité de Bromont y a investi une somme de 2 millions, soit la même que l’homme d’affaires Sylvan Adams, dont le nom coiffe désormais le bâtiment. Sylvan Adams est à la tête, depuis quelques années, d’une équipe professionnelle, Israel-Premier Tech, où l’on trouve les champions Hugo Houle, vainqueur d’une étape du Tour de France en 2022, et Michael Woods, vainqueur d’une étape cette année. À Tel-Aviv, en Israël, l’homme d’affaires a son nom d’inscrit sur un autre vélodrome.
À l’est de Toronto, le vélodrome de Bromont est désormais le seul jusqu’à l’Atlantique. L’installation promet de changer le visage du cyclisme sportif au Québec. « Il est certain que ça va favoriser le développement de nouveaux athlètes », soutient Louis Barbeau, de la Fédération québécoise des sports cyclistes. « Les jeunes cyclistes vont pouvoir développer de nouvelles habiletés. »
Pénélope Primeau, une athlète de 19 ans, abonde dans le même sens. Avant que le vélodrome de Bromont ne lui soit accessible, tout était plus difficile. « J’ai fait les Championnats du monde juniors en ayant seulement quatorze jours d’entraînement sur piste dans les jambes ! Les autres athlètes s’étaient entraînées pendant des mois sur piste. Le vélodrome de Bromont va permettre de gagner de l’assurance autant que de la technique, c’est sûr. » Il lui semble aussi que la nouvelle installation permet en particulier aux femmes de se faire mieux valoir. « Ça permet un esprit de communauté. On vient en gang de filles. Ça favorise beaucoup la communication. C’est plus facile d’accès que le vélodrome de Toronto. »
Nicolas Legault, le directeur du CNCB, estime que ces installations vont être utiles surtout à la prochaine génération de cyclistes. « Maintenant, les jeunes ne sont pas obligés de s’expatrier pour s’entraîner. »
Le gros à Toronto
Cependant, la plupart des cyclistes de haut niveau continuent de fréquenter plutôt le vélodrome de Milton, près de Toronto. C’est le cas de Mathias Guillemette, un des pistards pressentis pour représenter le Canada lors des Jeux olympiques de Paris en 2024. « Ça reste à Toronto que tout le monde va. Les entraîneurs, les médecins, les scientifiques, les masseurs, tout le monde est là-bas. [Le Québec] a pris beaucoup de retard par rapport à l’Ontario. Je ne pense pas qu’on va pouvoir avoir l’équipe nationale. Ce n’est pas le même niveau. »
Nicolas Legault, le directeur du CNCB, espère pouvoir accueillir les Championnats du monde des maîtres en 2027. « On travaille très fort pour que cette idée se réalise. »
Le responsable de la fédération cycliste, Louis Barbeau, pense qu’il sera possible de tenir à Bromont, avant longtemps, plusieurs compétitions internationales de haut niveau. La taille limitée des gradins ne permet cependant pas de compter sur les plus gros événements. « Nous voudrions accueillir les championnats du monde pour les juniors. Ce serait une formidable motivation pour les jeunes cyclistes d’ici. »
La roue tourne
Les compétitions cyclistes sur piste ont connu des heures de gloire en Amérique du Nord. Pendant près d’un siècle, le Québec est un des principaux centres du cyclisme de compétition en Amérique. Des villes comme Buffalo, Chicago, New York, Newark, Philadelphie, Montréal et quelques autres accueillaient un circuit de compétition sur piste très populaire.
En 1899, le tout nouveau vélodrome de Verdun accueille les compétitions World’s Meet, l’équivalent des championnats du monde cycliste de l’époque. Plus de 30 000 personnes défilent et remplissent les gradins pour voir des cyclistes des États-Unis, d’Écosse, de France, d’Australie, d’Afrique du Sud, d’Angleterre et du Canada. La grande vedette des épreuves de ces compétitions vient des États-Unis. Il est l’homme le plus rapide du monde. Il s’appelle Marshall Walter Taylor, mais tout le monde le connaît sous le nom de Major Taylor. Malgré le racisme dont il fait l’objet, il triomphe partout.
Montréal va connaître plusieurs vélodromes. En 1899, Terrebonne a aussi le sien. Puis en 1928, un nouveau vélodrome est construit près de la rue Jean-Talon, au milieu de ce que nous connaissons sous le nom de parc Jarry. Sur ce vélodrome roulent les meilleurs cyclistes du temps. À l’époque, des fermiers y font encore paître des vaches. Avant longtemps, il sera difficile d’assurer la préservation de ce vélodrome en bois. De pauvres gens en quête de combustible pour se chauffer à l’heure de la grande crise économique n’hésitent pas à arracher les planches nuitamment…
Dans l’entre-deux-guerres, un important circuit se met en place entre les principales villes d’Amérique du Nord. Très populaires, les cyclistes compétitionnent sur piste, le plus souvent en équipe de deux, dans des compétitions qui durent six jours. Le Forum de Montréal accueille régulièrement plus de spectateurs pour ces compétitions cyclistes sur piste que pour les parties de hockey.
Le fait que les champions étrangers ne peuvent voyager durant la guerre a raison de ces compétitions. Au Forum, tout s’arrête. Un vélodrome n’en est pas moins construit à Shawinigan, en 1947-1948. À Verdun, des femmes concourent à l’occasion d’épreuves internationales sur piste l’année suivante. À Québec, un vélodrome est construit au parc Victoria. Puis, non loin du collège André-Grasset à Montréal, le Vélodrome métropolitain ouvre ses portes en 1955 et attire des foules. Il y aura aussi de très populaires compétitions sur piste dans les années 1960, au centre Paul-Sauvé.
L’imposant vélodrome olympique de Montréal, inauguré en 1976, est le plus grand jamais construit. Il est trop gros et se révèle vite une sorte de bateau qui prend l’eau. Il finit par être jeté par-dessus bord en 1989, dans une décision jugée précipitée par plusieurs observateurs. Le très coûteux bois de rose qui en formait le revêtement est détruit à la masse, sans ménagement. Il faudra attendre trente ans, après plusieurs projets avortés, pour que la roue tourne et ramène au jour un vélodrome couvert au Québec, cette fois du côté de Bromont.