Problèmes sociaux

Trump inéligible: l’hypothèse surprenante de deux universitaires … – Slate.fr


«[Donald Trump] n’est plus éligible à la présidence, ni à aucune autre fonction étatique ou fédérale couverte par la Constitution. Tous ceux qui sont attachés à la Constitution devraient en prendre note et le dire.» La conclusion est aussi abrupte que spectaculaire.

Dans un article qui paraîtra l’an prochain dans la revue de droit de l’université de Pennsylvanie, deux professeurs de droit jettent un pavé dans la mare en affirmant que le 45e président des États-Unis est d’ores et déjà inéligible.

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Affiliés à la très conservatrice Federalist Society, William Baude et Michael Stokes Paulsen sont des originalistes revendiqués: leur interprétation de la Constitution repose sur ce qu’ils estiment être le «sens public originel», c’est-à-dire celui que le texte avait au moment de sa ratification.

Si cette théorie interprétative est prisée par le camp conservateur, cela n’empêche pas les deux enseignants de créer la surprise en considérant que l’article 3 du 14e amendement rend de facto Donald Trump inéligible en raison de son rôle dans les événements du 6 janvier 2021.

Un texte post-guerre de Sécession

Accablé par les affaires, l’ex-président n’en demeure pas moins le candidat présumé du Parti républicain et un adversaire de taille pour l’actuel président des États-Unis, Joe Biden. En outre, même s’il venait à être condamné, rien dans la Constitution n’empêche l’homme fort du «Grand Old Party» d’être candidat à l’élection présidentielle… À l’exception de l’article 3 du 14e amendement.

Né au lendemain de la guerre de Sécession, le 14e amendement de la Constitution avait entre autres objectifs celui de faire face aux confédérés, défaits militairement mais élus au Congrès par les États sudistes. «Le Congrès qui a proposé le 14e amendement a considéré à juste titre que la situation était scandaleuse», notent William Baude et Michael Stokes Paulsen. L’article 3 du 14e amendement avait ainsi pour objectif de rendre inéligible toute personne ayant participé ou prêté concours à une insurrection ou une rébellion alors qu’elle avait prêté serment de défendre la Constitution.

L’ancien président pourrait ainsi se voir refuser de se présenter à l’élection présidentielle.

Là où la théorie des deux spécialistes surprend, c’est qu’elle rompt avec la lecture conventionnelle. Jusqu’ici, le Congrès devait voter une loi (par exemple, 18 U.S.C. § 2383, qui prévoit précisément l’inéligibilité pour toute personne reconnue coupable d’insurrection ou rébellion) afin de faire appliquer l’article 3. Il était assez communément admis que le Congrès devait agir ainsi, puisqu’en vertu de l’article 5 du même amendement, «le Congrès aura le pouvoir de donner effet aux dispositions du présent article par une législation appropriée».

Pour Baude et Paulsen, l’article 3 est auto-exécutoire. En conséquence, affirment les auteurs, «aucune décision judiciaire préalable, ni aucun texte d’application, n’est nécessaire pour que l’article 3 soit appliqué par les fonctionnaires qui ont prêté serment de respecter la Constitution et dont les fonctions leur donnent l’occasion d’appliquer les dispositions de l’article 3»: l’ancien président pourrait ainsi se voir refuser de se présenter à l’élection présidentielle.

Effet juridique automatique

En 1869, le juge Salmon P. Chase avait soutenu que l’article 3 n’était pas auto-exécutoire et nécessitait au préalable une loi du Congrès. Ce fut le cas, par exemple, avec le Ku Klux Klan Act. Pour William Baude et Michael Stokes Paulsen, l’opinion du juge Chase est «mal fondée et regrettable». S’appuyant sur une analyse textuelle, ils affirment au contraire que l’article 3 est bel et bien auto-exécutoire. Pourquoi? Parce que «“No person shall be” [“Nul ne sera”, en français] édicte directement l’interdiction d’exercer une fonction et décrit les cas où sa règle est respectée».

En conséquence, notent-ils, «cela ne devrait pas être une surprise, car il en va de même pour les autres règles de la Constitution relatives à l’interdiction d’exercer une fonction. Une personne qui n’a pas atteint l’âge de 35 ans n’est pas qualifiée pour être président des États-Unis. Cette disqualification est automatique. La règle de la Constitution est auto-exécutoire.»

Nul ne sait si, quelque part, un ou une secrétaire d’État osera refuser la candidature de l’ex-président en raison de sa participation à une insurrection.

Ainsi, Donald J. Trump serait-il d’ores et déjà inéligible? Oui, insistent Baude et Paulsen. Dans leur article, les auteurs reviennent sur le rapport relatif aux événements du 6 janvier, lequel contient des «preuves abondantes» sur la responsabilité de l’ex-président tant dans l’attaque du Capitole que dans la tentative de renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020. En conséquence, élus et fonctionnaires (au niveau des États comme sur le plan fédéral) peuvent et doivent, si cela est dans leurs prérogatives, refuser la candidature de Donald Trump.

Quid de la «procédure légale régulière» («due process of law», en anglais)? Là encore, l’argument est rapidement balayé: «Le 13e amendement a instantanément éliminé ces droits de propriété [le droit de posséder des esclaves, ndlr], nonobstant la procédure régulière. Il en va de même pour l’article 3.»

Par ailleurs, une telle décision resterait sujette aux voies de recours habituelles, permettant à la justice de juger ou non de l’inéligibilité du défendeur. Demeure une question: l’opinion des deux universitaires entraînera-t-elle un tournant décisif dans l’élection présidentielle à venir?

Un coût politique à prendre en considération

Dans un article beaucoup plus court publié sur le média Reason, le professeur (et cofondateur de la Federalist Society) Steven G. Calabresi aboutit à la même conclusion que Baude et Paulsen. Toutefois, bien que le trio insiste sur le caractère impératif que revêt l’application de l’article 3, nul ne sait si, quelque part, un ou une secrétaire d’État (par exemple) osera refuser la candidature de l’ex-président en raison de sa participation à une insurrection.

Pour les Démocrates, agir en ce sens aurait probablement un fort coût politique, car cela serait immanquablement perçu par l’électorat républicain comme une manœuvre anti-démocratique. Enfin, Donald Trump «serait probablement en mesure d’intenter une action devant un tribunal d’État ou fédéral pour contester la décision d’inéligibilité», indiquent Baude et Paulsen.

Au regard des enjeux, l’affaire serait sans nul doute jugée en dernier ressort par la Cour suprême, à qui il appartiendrait alors d’interpréter l’article 3 et, peut-être, de sauver la mise à l’ancien président en le renforçant encore davantage. Quoi qu’il advienne, il semblerait que l’élection présidentielle 2024 soit en mesure d’être plus riche en rebondissements que House of Cards

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Charlotte Lambert

Voyageuse d'idées et jongleuse de mots, je suis Charlotte Lambert, une Spécialiste de l'Art de Rédiger tissant des histoires qui transcendent les frontières. Mon parcours à l'Institut Catholique de Toulouse a été le ferment de ma passion pour l'écriture. Tel un guide littéraire, j'explore les méandres des organisations internationales, les échos des événements mondiaux, les trésors du système éducatif, les énigmes des problèmes sociaux, et les horizons infinis du voyage. Mon stylo danse entre les lignes, infusant chaque article d'une authenticité inébranlable. Joignez-vous à moi dans ce périple où les mots sont les balises qui éclairent le chemin de la compréhension mondiale, où l'événementiel devient un kaléidoscope de perspectives, où l'éducation se dessine avec la richesse de l'avenir, où les enjeux sociaux prennent une nouvelle dimension et où chaque page est un pas vers l'ailleurs.

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