Lorsque les inégalités se creusent, l’insécurité nutritionnelle s’installe – Action contre la Faim

A l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, Action contre la Faim, en lien avec la poursuite de l’atteinte pour 2030 des Objectifs de Developpement Durable n°1¹ et n°2², réitère ses demandes pour lutter contre la pauvreté, la faim et la malnutrition : il est necessaire et urgent de mettre en place d’un revenu de base universel à la naissance de chaque enfant et jusqu’à ses deux ans.
COMMENT LES INéGALITéS FAVORISENT L’INSéCURITé NUTRITIONNELLE ?
La pauvreté est multidimensionnelle : elle ne se limite pas au manque de revenus. Elle peut se traduire par un manque d’accès à la nourriture, un accès limité à l’éducation et aux services de base, ou encore par l’exclusion, la discrimination sociale et le manque de participation aux prises de décision³. L’indice global de la pauvreté multidimensionnelle (IPM) permet de mesurer la pauvreté en s’appuyant sur des critères multidimensionnels (Santé, Education, niveau de vie) dans près d’une centaine de pays. En 2022, sur 6,1 milliards de personnes vivant dans les 111 pays couverts, 1,2 milliards de personnes – soit 19% de la population de ces pays – vivent en situation de pauvreté multidimensionnelle aiguë⁴. Ces personnes se trouvent principalement dans les régions Sub-Sahariennes et d’Asie du Sud, dans lesquelles Action contre la Faim travaille quotidiennement.
La pauvreté et les inégalités croissantes constituent l’une des premières causes de l’insécurité nutritionnelle⁵ dont les femmes, les filles et les enfants sont les premièr.e.s touché.e.s⁶. L’approche de la sécurité nutritionnelle d’Action contre la Faim favorise une vue d’ensemble de l’écosystème pour lutter contre les déterminants sous-jacents de l’insécurité nutritionnelle. Cette approche est très proche de l’objectif de protection sociale qui consiste à lutter contre la pauvreté de manière systématique. En effet, les deux cadres comprennent les services essentiels (tels que la santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène – ainsi que l’éducation) et la sécurité des revenus pour tous comme des nécessités pour surmonter la transmission intergénérationnelle de la pauvreté et de la malnutrition⁷.
LA PROTECTION SOCIALE : UN OUTIL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ET L’INSECURITE NUTRITIONNELLE
La protection sociale est inscrite dans de nombreux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains. Elle est définie comme un ensemble des politiques publiques et de programmes contributifs et non contributifs visant à réduire et prévenir la pauvreté tout au long du cycle de vie⁸.
Dès 2012, l’Organisation Internationale du Travail enjoint les États à établir et maintenir des socles de protection sociale devant assurer, au minimum à toute personne dans le besoin, tout au long de la vie, l’accès à des soins de santé essentiels et une sécurité élémentaire de revenu qui garantissent un accès effectif aux biens et services définis comme nécessaires à l’échelle nationale⁹. La notion d’universalité est essentielle et fait référence à l’obligation, pour les Etats, de garantir une protection basée sur l’une des éventualités/situations susmentionnées (âge ou moment de vie) à tout individu sous leur juridiction ; et ce indépendamment de leur situation socio-économique ou de leur statut juridique.
De par son aspect universaliste, la protection sociale, notamment la mise en place d’un revenu de base, est un levier essentiel de prévention, de réduction de la pauvreté et de lutte contre l’insécurité nutritionnelle.
LE REVENU DE BASE : UN LEVIER PUISSANT DE REDUCTION DES INEGALITES SOCIO-ECONOMIQUES ET DES INEGALITES DE GENRE
Le revenu universel de base est un dispositif d’aide au revenu à l’intention de tous.tes, octroyé de manière inconditionnelle (ou à des conditions minimales qui peuvent être liées aux revenus par exemple) . C’est un levier puissant de réduction des inégalités socio-économiques, permettant de s’attaquer à la transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Le revenu de base permet aussi de lutter efficacement contre les inégalités de genre, en reconnaissant la valeur du travail domestique non rémunéré réalisé par les femmes, en réduisant et redistribuant la charge de travail des femmes les plus modestes vers les institutions via la compensation financière de l’inégalité qui en découle.
Ainsi, Action contre la Faim plaide, auprès des décideur.euses.s politiques, en faveur de la mise en place d’un revenu de base universel durant les mille premiers jours de l’enfant. En effet, cette période appelée “fenêtre des 1000 jours”, s’étend de la conception au 2e anniversaire de l’enfant. Elle est cruciale pour le développement de l’enfant, car un mauvais état nutritionnel durant cette fenêtre, peut avoir des conséquences irréversibles sur sa santé et son développement.
ZOOM SUR ….
Au Nigéria, Acontre la Faim avec Save the Children, a participé dès 2014 au développement d’un programme intitulé « Child Development Grants Programme » (CDGP). Ce programme proposait aux femmes des transferts monétaires et des séances d’accompagnement au changement, incluant des conseils en matière de nutrition, d’éducation et de pratiques de soins durant la fenêtre des 1000 jours. Ce programme, considére comme un succès en matière de réduction de la sous-nutrition, a inspiré les gouvernements de Jigawa et de Zamfara10 à adopter la même approche des 1000 jours et d’accompagnement au changement dans leurs dispositifs de protection sociale. Cette expérience sert désormais d’inspiration aux politiques de protection sociale élaborées au niveau.