Le mythe de la déconnexion entre les universités et le monde du … – Le Monde

Accuser l’université d’être déconnectée du monde professionnel est un procès facile, que le chef de l’Etat a rouvert le 4 septembre. Face au vidéaste HugoDécrypte, très suivi par les 18-24 ans sur YouTube, Emmanuel Macron a caricaturé l’enseignement supérieur public, où sont inscrits près de 2 millions d’étudiants. Il a dénoncé « des formations qui ne diplôment quasiment pas depuis des années » et sermonné les présidents d’université pour qu’ils trouvent « le courage de ne pas maintenir des formations simplement pour préserver des postes d’enseignants ».
L’attaque a été très mal reçue. « Nous n’avions plus entendu que les universités étaient “des usines à chômeurs” depuis Alice Saunier-Seïté », commente Alain Fuchs, président de l’université Paris Sciences et Lettres, en référence à l’ancienne ministre au verbe acide, dont le projet de réforme du deuxième cycle universitaire visant notamment à professionnaliser les formations, déclencha, en 1976, une longue grève. « On en est à se demander si la France aime ses universités… Et la réponse est peut-être non », conclut-il.
Depuis la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, le code de l’éducation leur assigne un rôle supplémentaire : accompagner et participer à l’insertion professionnelle des étudiants. Une révolution législative qui a occasionné l’apparition au sein des cursus académiques de contenus à finalité professionnalisante et la création de nouvelles formations de licences et de masters professionnels.
Une mission incommensurable
Quinze ans plus tard, l’apprentissage vient de faire une entrée remarquée à la fac, avec, entre 2020 et 2021, 24 % d’inscrits supplémentaires en licence par alternance et 40 % en master, soit un total de 135 000 étudiants, selon Guillaume Gellé, le président de France Universités, représentant 28 % des apprentis de l’enseignement supérieur. Autour de 94 % des diplômés par la voie de l’alternance occupent un emploi trente mois après l’obtention du diplôme, soit 6 à 7 points de plus que les diplômés sous statut étudiant.
Depuis 2013, chaque diplôme universitaire est scruté par une instance nommée « conseil de perfectionnement », où siègent, une fois par an, les branches professionnelles pour proposer des évolutions favorables à l’insertion des diplômés et rendre lisibles les compétences transversales qui leur seront indispensables.
Pourquoi, donc, chercher à caricaturer l’université française ? Parce que sa mission est incommensurable : elle est le réceptacle de la massification scolaire en même temps que l’outil de la démocratisation de l’enseignement supérieur. A elle de donner leur chance aux enfants d’employés, d’agriculteurs, d’ouvriers. A elle de rattraper les erreurs d’aiguillage postbac qui donnent des sueurs froides à chaque rentrée. Dans les amphithéâtres bondés de première année de licence, où 325 000 néobacheliers étaient inscrits en 2020, les enseignants savent que seule une petite minorité connaîtra la réussite.
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