Israël-Palestine : crimes de guerre ou actes terroristes, y a-t-il une différence ? – lalibre.be
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Après les attaques du Hamas menées le samedi 7 octobre sur le territoire israélien, environ 1 300 Israéliens ont perdu la vie dans des actes de violence, tandis qu’une centaine d’entre eux a été prise en otage. Israël, sous le choc, n’a pas tardé à réagir à cette invasion. “Tous ces endroits où le Hamas se cache […] nous allons en faire des ruines”, a ainsi déclaré Benjamin Netanyahou.
Le lundi 9 octobre, Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, surenchérissait : “J’ai ordonné un siège complet de Gaza. Nous combattons les animaux humains et agissons en conséquence”. La bande de Gaza se retrouve ainsi privée d’eau, d’électricité, de gaz et de vivres. Quelques jours plus tard, Israël a demandé à un million de Palestiniens de se rendre au sud du pays, leur accordant un délai de 24 heures pour obéir. En conséquence des bombardements israéliens sur cette enclave peuplée de plus de 2 millions d’habitants, qui est l’une des cinq régions les plus densément peuplées au monde, le ministère palestinien de la Santé du Hamas déclare aujourd’hui que le bilan est de 2 215 morts palestiniens, dont 724 enfants.
La communauté internationale dénonce le non-respect du droit international et fait état de “preuves claires” de possibles crimes de guerre en Israël et à Gaza. Parallèlement, le débat fait rage quant à savoir si les violences commises par les combattants du Hamas peuvent être caractérisées comme des actes terroristes. Analyse de la situation par François Dubuisson, professeur de droit international à l’ULB.
Les définitions du Statut de Rome
La particularité d’un crime de guerre est qu’il est nécessairement commis dans le contexte d’un conflit armé et qu’il englobe une série de violations graves du droit des conflits armés, comme défini dans le Statut de Rome, explique François Dubuisson. Parmi ces violations, on peut citer, par exemple, le simple fait de cibler des civils plutôt que des militaires. En revanche, un crime contre l’humanité peut survenir en temps de guerre ou en temps de paix et implique “une attaque systématique et/ou généralisée contre une population”. Cela englobe des actes tels que le meurtre, la déportation, la torture, les abus sexuels, l’esclavage, etc. “L’attaque du Hamas contre la population civile israélienne pourrait être classée dans cette catégorie, car près d’un millier de victimes civiles ont été purement et simplement assassinées. Nous pouvons considérer qu’il s’agit effectivement d’une attaque systématique et généralisée. Cependant, Israël est de plus en plus accusé de commettre un crime d’apartheid envers la population palestinienne. Ce crime est également répertorié dans le Statut de Rome en tant que crime contre l’humanité”, poursuit le professeur.
Le terrorisme, quel statut juridique ?
Les attaques perpétrées par le Hamas ont suscité un débat complexe sur la manière de qualifier les membres de ce groupe. Alors que l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et d’autres pays le classent comme un groupe terroriste, des controverses surgissent dans certaines régions occidentales. Par exemple, en France, au sein du parti de La France Insoumise (LFI), la plupart des membres refusent cette qualification. Jean-Luc Mélenchon a déclaré à ce sujet : “Si nous acceptions de qualifier d’acte terroriste une action de guerre, nous la soustrayons au droit international”. La BBC, quant à elle, est sous le feu des critiques, après avoir adopté une position de neutralité et refusé catégoriquement de qualifier le Hamas de terroriste. En outre, la Russie, l’Iran, la Turquie et le Qatar rejettent également cette désignation.
Dans tous les cas, juridiquement parlant, que l’on soit un mouvement qualifié de terroriste, un État ou un groupe armé, les règles en matière de droit international s’appliquent à tous de la même manière, et il est impératif de les respecter, explique le professeur. “En droit international, il existe relativement peu de règles spécifiques concernant le terrorisme, car c’est un domaine très délicat qui a été le sujet de nombreuses controverses entre les États. Ils n’ont réussi à s’accorder que sur un nombre limité de règles. La Cour pénale internationale n’est de ce fait pas compétente pour les crimes qualifiés de terroristes. Par conséquent, la qualification de “terrorisme” n’est pas particulièrement intéressante ou pertinente sur le plan juridique pour analyser les événements survenus le samedi 7 octobre”, explique François Dubuisson.
Bien que l’acte terroriste ne soit pas défini de manière précise et universellement acceptée sur la scène internationale, la Cour pénale internationale (CPI) détient le pouvoir de juger des individus pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Cela englobe un éventail d’actes, tels que la prise d’otages, l’exécution de civils et d’autres exactions. Par conséquent, les actions perpétrées par le Hamas lors de son infiltration en territoire israélien peuvent être passibles de poursuites devant la CPI, qu’importe la qualification de “terroriste” qui n’a pas de poids juridique dans le cas présent.
Gaza est loin d’être le seul souci de l’armée israélienne
Quelles sanctions de la CPI ?
Face aux violations répétées du droit international et du droit des conflits armés, il existe des mécanismes de réaction. Dans le cas de ce conflit, le premier moyen est tout simplement de rappeler les règles par des moyens diplomatiques et d’exercer une pression pour que les parties belligérantes respectent le droit international. Il existe des canaux de discussion, qu’ils soient plus ou moins publics. C’est ce que fait notamment le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Dans l’immédiat, les moyens effectifs pour protéger les populations sont relativement limités explique le Pr Dubuisson. Cependant, à plus long terme, de nombreuses violations des règles pourraient être qualifiées de crimes de guerre, et dans ce cas, la CPI est compétente pour les juger. “Étant donné que la Palestine est devenue partie à la Cour pénale internationale, la CPI a compétence à la fois pour les nationaux palestiniens et pour tous les crimes commis sur le territoire palestinien, y compris la bande de Gaza. Par conséquent, les crimes de guerre potentiels commis par le Hamas (par exemple, en utilisant des boucliers humains) et par Israël (comme des tirs qui visent des civils ou qui sont disproportionnés en termes de dégâts collatéraux) relèvent de la compétence de la Cour pénale” explique le professeur.
Cependant, il est important de noter que ces analyses prennent du temps, car il faut examiner chaque cas pour déterminer l’objectif visé, s’il était militaire ou non, le degré de proportionnalité entre le caractère militaire et le nombre de civils touchés, et d’autres facteurs. “Dans tous les cas, il y a matière à des poursuites pénales visant les individus responsables d’ordonner des bombardements ou des crimes commis contre les civils israéliens ou palestiniens”, conclut François Dubuisson.