Le grand écart du Qatar, allié des Etats-Unis au Moyen-Orient et … – Le Monde

Vendredi 13 octobre, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken saluait, depuis Doha, les efforts du Qatar pour empêcher tout acteur régional d’ouvrir un nouveau front dans le conflit qui oppose le Hamas à Israël. Le lendemain, à son tour à Doha, son homologue iranien, Hossein Amir Abdollahian discutait avec le chef du mouvement islamiste palestinien, Ismaïl Haniyeh, de la poursuite de leur coopération après la « victoire héroïque » face à Israël avant d’avertir, lors d’une réunion avec l’émir du Qatar : « Si Israël poursuit son offensive sur Gaza, personne ne peut garantir le contrôle de la situation et empêcher le conflit de se propager. »
Cette diplomatie du grand écart a été érigée au rang d’art par le petit émirat. Proche allié de Washington, qui y a installé son commandement militaire régional, le CentCom, le Qatar abrite le bureau politique du Hamas et entretient des relations étroites avec l’Iran. Ce rôle d’équilibriste en fait un médiateur privilégié entre Israël et le Hamas. Mais, parce qu’il considère l’Etat hébreu comme « seul responsable » de l’escalade commencée le 7 octobre après l’attaque du Hamas, il fait l’objet de critiques croissantes.
« Le Qatar a investi dans une posture d’opportunisme et de disponibilité depuis des années pour se donner une légitimité internationale. Il l’a fait avec l’aval des Américains, si ce n’est à leur demande », commente Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et la Méditerranée de Genève. Depuis le coup d’Etat de 1995 du cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, le père de l’émir actuel Tamim, Doha soigne aussi ses relations avec l’Iran, ainsi qu’avec les mouvements islamistes de la région, faisant le pari qu’elles lui seront utiles.
Le dossier des otages
Doha s’est également rapproché d’Israël en accueillant en 1996, avant de le fermer, un bureau de représentation commerciale. Ces positionnements ont suscité l’opposition d’autres Etats du Golfe et de la région, qui ont cherché à le faire rentrer dans le rang en lui imposant un blocus de 2017 à 2021. Ces acteurs sont depuis devenus incontournables au Moyen-Orient et, le Qatar, un médiateur privilégié au service des Américains.
C’est en 2012, lors des printemps arabes, que Washington avait demandé à Doha d’accueillir les chefs du Hamas, dont Khaled Mechaal, pour qu’ils ne trouvent pas refuge en Syrie ou en Iran. « Les Américains ont misé sur la modération du mouvement », indique M. Abidi. Un pari balayé par l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » du 7 octobre. Tout en gardant de bonnes relations avec l’Autorité palestinienne, le Qatar est devenu le financier de la bande de Gaza, payant – avec l’aval américain et israélien – les salaires des fonctionnaires, des aides aux familles défavorisées et du carburant. Sa médiation et celle de l’Egypte ont aidé à mettre fin à plusieurs conflits entre Israël et le Hamas.
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