Éducation

Catherine Trautmann : « On se devait de défendre Strasbourg » – DNA – Dernières Nouvelles d’Alsace


Les Dernières Nouvelles d’Alsace

Aujourd’hui à 06:06

De la mobilisation strasbourgeoise de mars 1997, Catherine Trautmann garde le souvenir joyeux d’une ville transformée en « grande agora », d’« une forme d’éducation civique grandeur nature », d’une expression collective de la démocratie « avec ce qu’elle comporte de rassemblement, de liberté, de débats, d’expression culturelle et créative ».

À l’époque, la maire de Strasbourg a été critiquée par certains pour ne pas avoir refusé la location du Palais de la musique au Front National. Mais « la bataille devait être politique », défend-elle toujours. Plutôt que de s’exposer à des suites judiciaires en interdisant la tenue du congrès, la maire d’alors entend « aller au fond des choses » et organiser « la riposte ». Objectif : démontrer au FN « qu’il n’est pas chez lui en Alsace. On ne pouvait pas laisser cette ville être marquée négativement par le congrès du FN. Elle avait été un tel enjeu au moment de la guerre et était un tel enjeu pour la création des institutions européennes, des droits de l’Homme, que l’on se devait de défendre Strasbourg », retrace-t-elle.

« Le Pen a dit que j’étais dans l’organisation… au fond c’était vrai »

Officiellement, l’initiative est citoyenne. Et « elle a été remarquablement prise en charge », insiste Catherine Trautmann. Mais la municipalité est loin d’y être étrangère. Jean-Claude Herrgott, le directeur de cabinet de Catherine Trautmann, fait « la navette en permanence » avec les collectifs à l’œuvre. « Ils ne pouvaient pas tout faire seuls. Ils avaient besoin de nous sur la sécurité, le tracé, la mobilisation, le service d’ordre. Le Pen a dit que j’étais dans l’organisation… au fond c’était vrai ! »

À coups de tribunes et de discours, l’implication de la maire et députée européenne d’alors contribue aussi largement à ce que l’appel soit entendu au-delà de Strasbourg et de l’Alsace. Y compris par des personnalités politiques et artistiques. Spontanément, c’est la présence à Strasbourg de l’équipe de Charlie Hebdo ce week-end de mars 1997 que l’ancienne maire évoque aujourd’hui. « J’avais quasiment passé un interrogatoire quand je les ai invités. Et ils avaient parfaitement compris que s’ils venaient, ce n’était pas pour être récupérés mais pour participer à un événement citoyen dont ils seraient acteurs. »

« Je ne pense pas avoir connu de stress aussi important que celui-là »

« C’était une action en elle-même », insiste Catherine Trautmann. Résolue à affronter le Front National depuis qu’elle avait eu affaire au parti dix ans plus tôt sur les bancs de l’Assemblée nationale, elle réfutait alors le soupçon d’une poursuite d’un quelconque intérêt personnel. Et le réfute toujours, sans toutefois nier « l’impact » de cette action sur sa carrière politique. Le mois suivant, « je suis arrivée au gouvernement dans une position extrêmement forte, sans vraiment m’en être rendu compte à l’époque », analyse-t-elle aujourd’hui. Et de compléter : « En même temps, j’en suis sortie en vol plané et j’ai perdu Strasbourg… »

En s’engageant dans cette mobilisation, Catherine Trautmann a pris des risques. Quelques jours avant, Jean-Marie Le Pen lui écrivait d’ailleurs pour souligner qu’elle serait tenue responsable de tous les dégâts, désordres et violences qui surviendraient dans la ville. « C’était dans leur intérêt que cela ne se passe pas bien », résume l’élue qui s’est néanmoins employée à « convaincre le préfet » de laisser faire, alors qu’il était, dit-elle, « sur des charbons ardents ».

Elle a aussi reçu « des kilos de lettres d’insultes et de menaces » placées dans des boîtes remises à la police. La sécurité de cette manifestation est devenue une obsession. « Je ne pense pas avoir pas avoir connu de stress aussi important que celui-là. De nuit comme de jour », songe-t-elle. « J’ai eu peur à l’époque qu’on nous envoie une compagnie de CRS dont on savait qu’elle comptait beaucoup de sympathisants du FN », se souvient-elle encore : elle obtient des garanties du ministre de l’Intérieur de l’époque, Jean-Louis Debré. Et si elle se refuse à prononcer le moindre discours à l’arrivée de la manifestation, depuis le balcon de l’hôtel de ville, c’est qu’en apercevant le flot humain qui se massait devant les grilles, elle craint un drame. « Ça aurait été irresponsable. J’ai appelé à la dispersion. »

« Nous n’avons pas tiré toutes les leçons »

À cette obsession de la sécurité se dispute à l’époque celle des symboles, dont Catherine Trautmann refuse de voir le FN s’emparer. La statue strasbourgeoise de Jeanne d’Arc ? Déboulonnée. Le Pen à la messe de Pâques ? La maire menace le préfet de faire occuper la cathédrale, transformant la présence hypothétique du président du FN en trouble à l’ordre public.

Au final, « les gens ont été d’une extrême responsabilité et nous avons gagné parce que nous avons gâché ce congrès. Nous avons évité que les symboles soient mis en avant et détournés », estime l’élue qui regrette néanmoins que la page ait été très vite tournée. « Nous n’avons pas tiré toutes les leçons de cette mobilisation. Il fallait que les partis s’en saisissent. Lorsque l’on a vu à quel point le FN s’était banalisé, on pouvait se demander si cette mobilisation avait valu la peine. La grande revanche du FN a été sa présence au deuxième tour de la présidentielle [de 2001]. » On connaît la suite.



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Charlotte Lambert

Voyageuse d'idées et jongleuse de mots, je suis Charlotte Lambert, une Spécialiste de l'Art de Rédiger tissant des histoires qui transcendent les frontières. Mon parcours à l'Institut Catholique de Toulouse a été le ferment de ma passion pour l'écriture. Tel un guide littéraire, j'explore les méandres des organisations internationales, les échos des événements mondiaux, les trésors du système éducatif, les énigmes des problèmes sociaux, et les horizons infinis du voyage. Mon stylo danse entre les lignes, infusant chaque article d'une authenticité inébranlable. Joignez-vous à moi dans ce périple où les mots sont les balises qui éclairent le chemin de la compréhension mondiale, où l'événementiel devient un kaléidoscope de perspectives, où l'éducation se dessine avec la richesse de l'avenir, où les enjeux sociaux prennent une nouvelle dimension et où chaque page est un pas vers l'ailleurs.

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