Manuel Valls, ancien Premier ministre, au JDD : « Je refuse le … – Le Journal du dimanche

Elle exprime une colère. Mais je perçois surtout un cri d’alarme des policiers qui, depuis des années, sont confrontés à des défis cumulés et considérables : la menace terroriste, la hausse de la criminalité et des trafics de drogue, le maintien de l’ordre face aux gilets jaunes ou aux groupes de l’ultra-gauche de plus en plus violents, les émeutes dévastatrices de la fin juin… Ils font face ainsi à la banalisation de la violence, cet ensauvagement de la société qui est leur quotidien. Hors la période de la Covid-19, la courbe des homicides et des tentatives d’homicides marque depuis trois ans un sommet historique. On peut également constater une succession de plus en plus régulière et étendue, y compris dans les zones rurales, de règlements de comptes entre criminels, dans un processus de restructuration permanente du trafic de stupéfiants. La France connaît une extension géographique de la violence. La mise en cause – non pas par l’opinion qui soutient largement les forces de l’ordre –, mais par une partie de la presse et de la classe politique qui utilisent l’expression « violences policières » pour englober dans un seul mouvement des erreurs ou des fautes de quelques-uns, explique également ce malaise des policiers. Le placement en détention provisoire de l’un de leurs collègues à Marseille a été l’étincelle. Comme Gérald Darmanin, je considère que « les policiers ne doivent pas être les seules personnes en France pour qui la présomption d’innocence n’existe pas ».
Vous réfutez catégoriquement le concept de « violences policières » ?
Je le refuse avec la plus grande détermination. La violence n’est ni soutenue ni promue par l’État, ni évidemment par la police elle-même. Cette violence n’est donc pas institutionnalisée. Les policiers et les gendarmes dans leur immense majorité travaillent dans le respect de la loi.L’utilisation politique et médiatique de ce concept vise à expliquer que la police est par nature raciste et violente. Ce n’est pas seulement un policier qui est en cause, comme dans le drame de Nanterre, c’est « la police qui tue ». Ce sont des mots que l’on retrouve dans des articles de presse, sur les réseaux sociaux et dans les propos de la France insoumise et des écologistes.Mais ce qui a changé en vingt ans, par rapport aux émeutes de 2005, ou même quand j’étais ministre de l’Intérieur, c’est que cette extrême gauche a aujourd’hui une légitimité électorale, elle pèse dans le débat politique, elle domine la gauche réformiste. Cette ultra-gauche factieuse, insurrectionnelle, sympathisante des incendiaires et des islamistes rêve de voir se multiplier des émeutes qui rendent le pays totalement ingouvernable. C’est cette même gauche qui n’a pas soutenu Charlie, c’est cette même gauche qui a été complice de l’islamisme, cet islamo-gauchisme que nous avons été nombreux à dénoncer.
Comment sortir de cette crise ?
Il faut maintenir la loi de 2017, que certains cherchent à remettre en cause. Ce serait désarmer les policiers face à la violence. Ensuite, il est temps d’abandonner le laxisme dans le prononcé et dans l’exécution des peines, particulièrement les plus petites d’entre elles. Il faut introduire des peines minimales obligatoires de prison, comme dans les pays scandinaves, qui aient valeur d’exemple et sanctionner les parents qui n’assument pas leurs responsabilités.Enfin, il faut reconcentrer les forces de l’ordre sur leurs priorités : la sécurité publique, le maintien de l’ordre, la lutte contre le terrorisme, le crime organisé, la délinquance, les trafics et les violences. Je ne peux pas nier que des relations très conflictuelles se sont installées depuis des années entre notamment les jeunes hommes issus de l’immigration vivant dans les quartiers populaires et la police. Elles ont créé un climat électrique et hautement inflammable dans tous ces territoires. Cela n’excuse rien évidemment. Mais je propose que les contrôles d’identité à répétition et sans aucun objet soient abandonnés sauf circonstances exceptionnelles (risque d’attentat, manifestations à risque, opérations anti-drogue…) et sous le contrôle de la justice.
Que penser de la décision du Conseil d’État de suspendre la dissolutiondes Soulèvements de la Terre ?
Le Conseil d’État n’a pas tranché le fond à titre définitif. Mais, en suspendant la dissolution des Soulèvements de la Terre, il a exprimé son « doute sérieux » sur la légalité du décret. C’est très inquiétant car il s’agit d’un dévoiement de la liberté d’expression. Ainsi, tous ceux qui croient que rien ne légitime la violence politique en démocratie ont des raisons sérieuses de s’inquiéter de cette décision qui ouvre un boulevard à tous ceux qui recourent à la destruction dès lors qu’ils en « revendiquent le caractère symbolique ».