Immobilier : le nombre de crédits chute de 50 %, mais pas les prix – Le Parisien

Marqueur social, gage de sécurité pour une très large majorité de Français, l’accès à la propriété est-il désormais réservé à une élite ? Depuis un an, les vannes du crédit se sont fermées après plusieurs années d’un fort débit facilité par des taux d’intérêt historiquement bas.
Si ceux-ci reviennent à des niveaux plus habituels — 3,61 % en moyenne en juillet — sous l’effet de l’inflation, le volume des prêts s’est nettement contracté. Selon les dernières données de la Banque de France, la production de nouveaux crédits a reculé de plus de 41 % en un an, à 11,1 milliards d’euros en juin, contre 19 milliards un an plus tôt.
Pour l’Observatoire Crédit logement CSA, dont la méthode de calcul diffère, la production comme l’octroi de prêts ont plutôt été divisés par deux. « La production de mai à juillet par rapport à la même période de 2022 a chuté de 51,5 % et le nombre de prêts de 50,5 % », assure Michel Mouillart, professeur d’économie et porte-parole de l’Observatoire.
En cause, la crise économique à laquelle s’ajoutent la perte de pouvoir d’achat liée à l’inflation, les taux d’intérêt en hausse — 4 % attendus à la rentrée — qui grèvent la capacité d’emprunt des Français, de plus en plus nombreux à reporter leur projet immobilier. Et les remèdes déployés — mensualisation du taux d’usure (au-dessus duquel une banque n’est pas autorisée à prêter), assouplissement des quotas — pour relancer l’octroi de crédits ne semblent pas donner les effets escomptés.
La fin des années d’ « exubérance »
Faut-il s’inquiéter d’un tel décrochage ? « Nous n’avons jamais atteint un seuil aussi bas hormis en 2020, pendant la période du Covid où les banques ont fermé leurs portes et en 2008-2009 pendant la crise des subprimes, deux cas à prendre avec des pincettes car nous étions hors d’une activité de marché habituelle », contrairement à aujourd’hui, relève Michel Mouillart qui voit un marché « pas loin de la panne ».
Première banque de financement du crédit immobilier en France, le Crédit agricole affiche lui aussi « une baisse significative de 25 % à 30 % » du nombre de ses nouveaux crédits au premier semestre (par rapport à 2022). Mais elle y voit davantage un retour à sa production du premier semestre 2018.
Chargée de lutter contre le surendettement, la Banque de France n’y trouve rien d’alarmant non plus. « Nous revenons à un niveau observé régulièrement avant 2015, on a quitté l’exubérance des dernières années, nous sommes dans une phase de normalisation et ne sommes pas préoccupés », indique François Mouriaux, directeur des statistiques monétaires et financières de l’institution.
Bercy temporise tout autant. « L’immobilier est arrivé à un point de bascule, il a quitté une période exceptionnelle d’activité pour revenir à un niveau plus normal avec le retour de l’inflation », insiste l’entourage du ministre de l’Économie, sûr d’avoir atteint un « point bas » et qu’ « avec la baisse des prix de l’immobilier, les Français verront leur pouvoir d’achat grimper et pourront de nouveau emprunter ».
Les prix continuent à grimper
Encore faut-il que les prix baissent vraiment. « Pour contrebalancer la montée des taux d’intérêt de 1 % à 4 % et maintenir le pouvoir d’achat, il aurait fallu que les prix baissent de 25 % », rappelle Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux. Or, on en est loin.
Mis à part dans certaines grandes villes dont Paris où les notaires du Grand Paris tablent sur un recul de 5 % des prix sur l’année, l’Hexagone continu de voir ses prix grimper : « + 4,5 % sur un an entre janvier et juillet en partie à cause des hausses enregistrées dans l’ouest du pays et en Méditerranée », selon le baromètre Guy Hoquet qui rassemble une quinzaine de portails immobiliers.
Ce que confirme l’Union des intermédiaires en crédit. « Comment les prix peuvent-ils baisser avec un secteur de la construction qui peine à bâtir, et de nouvelles normes écologiques, s’agace sa secrétaire générale Bérengère Dubus. Faute de crédits, les Français, qui rêvent majoritairement de devenir propriétaires, restent locataires et se sentent dévalorisés. En plus, ils bloquent des logements, ce qui augmente le mal-logement et met en péril un secteur économique qui emploie près de 2 millions de salariés », s’alarme-t-elle, promettant une mobilisation « si rien ne bouge » à la rentrée.
En attendant, malgré les fortes pressions de nombreux professionnels du crédit, aucun nouvel ajustement n’est prévu lors de la prochaine réunion mi-septembre du HCSF (Haut Conseil de stabilité financière). Seule lueur d’espoir pour les emprunteurs : le retour attendu à la rentrée de certains grands établissements bancaires restés en retrait du crédit jusqu’à présent faute de marges suffisantes, ce qui pourrait raviver le marché.